Et si Dallas avait été produit avec l’argent de la mafia ?
Merv Adleson est décédé il y a 10 ans, le 8 septembre 2015. En 2013 il avait accordé une longue interview à un journaliste du magazine Vanity Fair, Bryan Burrough. Je vous propose un résumé de cet article qui nous plonge dans les arcanes de la création de nos feuilletons favoris…

Mars 2013. À 83 ans, Merv Adelson vit dans un modeste appartement de 50 m² à Santa Monica, loin du faste qui a jadis marqué sa vie. Autrefois multimillionnaire et figure incontournable de la télévision américaine, il partageait ses journées entre ses résidences de Malibu, Aspen et Bel Air, voyageait en jet privé et fréquentait les plus grands noms de la politique et du spectacle, de Bill Clinton à Barbara Walters, son ex-épouse. Désormais, cet homme à la silhouette amaigrie et aux cheveux blancs épars promène anonymement son chien sur la plage, bien loin de l’image du magnat de Hollywood qu’il a été. Loin d’amertume, Adelson reconnaît avoir perdu une fortune estimée à 300 millions de dollars, mais revendique une certaine sérénité, se satisfaisant de sa vie simple et de son indépendance retrouvée.
Né dans une famille modeste, Merv Adelson s’est très tôt lancé dans les affaires, d’abord dans l’alimentaire à Las Vegas où il ouvre l’un des premiers supermarchés 24 heures sur 24. C’est là qu’il fait fortune, puis s’associe avec Irwin Molasky pour investir massivement dans l’immobilier, bâtissant quartiers résidentiels, centres commerciaux et même un hôpital. Mais son parcours est rapidement marqué par une ombre : sa proximité avec Moe Dalitz, surnommé le « parrain de Las Vegas ». Figure historique du crime organisé, Dalitz avait bâti un empire en passant de la contrebande d’alcool à la gestion des casinos. Poli, discret et jamais condamné, il incarnait une mafia respectabilisée.
Adelson, qui se lia d’amitié avec lui à la fin des années 1950, devint son associé dans plusieurs projets. Ensemble, avec d’autres partenaires, ils créèrent notamment Sunrise Hospital et participèrent au développement immobilier effréné de la ville. Adelson reconnaît aujourd’hui qu’il a servi de « visage respectable » pour des affaires où Dalitz et ses contacts dans la pègre investissaient leur argent, notamment via les puissants fonds de pension des Teamsters de Jimmy Hoffa. Cette proximité lui donna une réputation sulfureuse dont il ne se défera jamais. Le scandale éclata au grand jour avec la publication de The Green Felt Jungle en 1963, qui le citait nommément comme un relais de la mafia dans le monde des affaires. Plus tard, le luxueux Rancho La Costa, qu’il développa en Californie, fut lui aussi accusé d’être une véritable enclave mafieuse, fréquentée par les parrains de Detroit, de Chicago et même Meyer Lansky. Adelson se défendit toujours en affirmant n’avoir jamais participé à des activités illégales, mais admit que sa loyauté envers Dalitz et son attrait pour l’aura de pouvoir qui entourait ces hommes l’avaient piégé. Un long procès contre Penthouse dans les années 1970 ternit encore davantage son image, même si Adelson finit par obtenir un règlement en sa faveur.
C’est pourtant à Hollywood que Merv Adelson bâtit sa véritable légende. En 1969, il fonde Lorimar Productions avec Lee Rich. Ensemble, ils révolutionnent la télévision américaine en produisant des séries devenues cultes : The Waltons (la famille des collines), Dallas, Knots Landing, Falcon Crest ou encore Eight Is Enough (huit, ça suffit). Lorimar s’impose comme le plus grand studio indépendant de l’époque, révélant des dirigeants qui domineront plus tard l’industrie, tels que Leslie Moonves (CBS) ou Brad Grey (Paramount). Fort de cette réussite, Adelson mène un train de vie fastueux et fréquente les cercles les plus fermés de la politique et du show-business. Marié successivement à plusieurs femmes, dont la journaliste Barbara Walters, il cultive l’image du producteur flamboyant.

Mais son ambition finit par le perdre. Obsédé par le cinéma, il investit des fortunes dans des films qui se soldent souvent par des échecs. Lorimar s’affaiblit, et Adelson finit par vendre à Warner Communications en 1989 pour 1,2 milliard de dollars, devenant vice-président du groupe et actionnaire majeur. Mal conseillé ou trop confiant, il garde ses actions AOL Time Warner lors de la fusion désastreuse avec AOL en 2000, perdant plus de 140 millions de dollars. Son empire s’effondre, ses dettes s’accumulent et il est contraint de déclarer faillite en 2003.
Depuis, Merv Adelson n’est plus qu’un spectateur discret de la vie hollywoodienne. S’il a perdu sa fortune et ses privilèges, il conserve l’estime de nombreux anciens collaborateurs et amis, qui rappellent qu’il fut un patron généreux et visionnaire. Lui-même souhaite simplement qu’on se souvienne de lui comme d’un homme bien », un épitaphe modeste pour celui qui fut l’un des derniers grands magnats de la télévision américaine.
Pour retrouver l’intégralité de l’article sur Vanity Fair.
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